Parlons EP
Parlons EP
L’EP en Finlande
Vivre concrètement, pendant deux semaines, une expérience pédagogique au sein du lycée franco-finlandais d’Helsinki
La Finlande compte 5,3 millions d’habitants pays (faible densité 17 hab/km²). On y parle 2 langues officielles, le finnois et le suédois. Depuis 1919, la Constitution a inscrit la gratuité de l’Ecole, y compris les transports, les repas, les manuels tout comme la médecine scolaire. Les établissements scolaires sont financés par l’État (programmes nationaux) et par les communes qui sont responsables de l’éducation.
Rares sont les collèges de plus de 400 élèves et l’effectif par classe dépasse rarement 20 élèves. La journée scolaire s’achève entre 12 et 14 h, voire 16 h pour les lycéens qui choisissent des options. Les élèves de primaire sont encadrés l’après-midi par des éducateurs qui leur proposent des activités sportives et culturelles. Au collège et au lycée, ces activités sont plus libres. Certains clubs sportifs profitent des installations de l’établissement en marge du temps scolaire. L’École est largement ouverte sur l’extérieur : les adultes, et les parents en particulier, sont les bienvenus.
Le système éducatif finlandais prône un apprentissage par l’action. Le lycée peut s’envisager en 2, 3 ou 4 ans, selon des parcours différenciés, les élèves étant encouragés à équilibrer leur parcours (mathématiques, français, EPS...). Son efficacité est attestée par les études PISA de l’OCDE sur les compétences en mathématiques et sur la maîtrise de la lecture. L’égalité des chances indépendamment de l’origine sociale, le caractère secondaire de la notation, le peu de redoublement, le sentiment de sécurité et, plus généralement un environnement scolaire incitatif, sont les caractéristiques mises en avant expliquer cette réussite. L’étude souligne également des relations élève/enseignant naturelles : il n’y a pas de surveillant, ni de CPE. Très impliqués dans la vie de la cité scolaire, la surveillance (couloirs, récréations) fait partie du temps de service des enseignants ainsi que 2 heures hebdomadaires consacrées aux réunions pédagogiques. (photo du lycée).
Le lycée franco-finlandais d’Helsinki
C’est une sorte de cité scolaire regroupant école primaire, collège et lycée. Établissement pilote (la moitié des enseignements sont dispensés en français), il bénéficie de moyens particuliers (financement d’État uniquement). Le lycée est porteur de nombreux projets, notamment les voyages en France.
Les élèves circulent librement (hall d’entrée accueillant, cafétéria, bibliothèque, cour) et, comme dans la cantine, l’ambiance est calme et sereine. Dans les couloirs, les enseignants sont souvent interpelés par des élèves avec lesquels ils plaisantent facilement. La plupart des cours durent 45 min séparés par des pauses d’un quart d’heure. Les élèves prennent leur temps pour aller d’une salle à l’autre, prendre quelques affaires dans leur casier. Les repas s’échelonnent dès 10 h (primaires) et jusque 13 h (lycée) ; ils ne durent jamais plus de 20 min. Notre impression est celle d’un lieu de vie où l’échange entre jeunes et adultes est privilégié.
L’EPS au lycée
Le développement personnel
Les séances d’éducation physique finlandaise visent le développement des ressources et la découverte d’APSA. L’éducation fondamentale (équivalent en France à l’école primaire et au collège) est dédiée à l’éducation motrice générale et la découverte de nombreuses APSA. À partir du lycée, on observe un approfondissement des situations pédagogiques (technique et tactique).
Les séances comportent à la fois à des tests athlétiques (type test Léger-Boucher), des parcours moteurs (coordination, dissociation, latéralisation) puis une activité sportive (généralement, un match de sport collectif). L’éventail des activités proposées est proche du nôtre (athlétisme, sports d’opposition individuels ou collectifs, activités natatoires, etc.) mais également adaptée au climat nordique : hockey sur glace (sur lac gelé ou en patinoire), patinage de vitesse, ski de fond et sports de salle (salibandy, floorball).
Le traitement didactique des APSA est restreint : il n’y a pas ou peu d'adaptation par rapport à la pratique sociale de référence (terrain, règlement), les situations pédagogiques sont peu nombreuses (et toujours contextualisées). C’est notamment le cas au collège. Les apprentissages n’ont lieu que grâce à des situations de jeu global parfois aménagées (par exemple, en handball, par la multiplication des cibles pour encourager le démarquage). Plutôt que de cycles, on parle plutôt de séquences de pratique de 3 à 4 séances, répétées plusieurs fois au cours d’une même année scolaire (par exemple, l’activité basket-ball est proposée en septembre, décembre, février et enfin en mai). Il semble que cette organisation entraîne moins de lassitude chez les élèves. Son impact sur les acquisitions serait intéressant à mesurer.
L’éducation à la santé
L’EP finlandaise a la réputation de mettre en avant une éducation sanitaire qui se traduit par des enseignements théoriques d’hygiène et de santé assurés par les professeurs d’EPS.
Les thèmes abordés sont divers et liés aux préoccupations des élèves : éléments de base de nutrition, d’hygiène, importance du sommeil, fonctionnement du métabolisme cardio-vasculaire, méthodologie de l'échauffement, de l'entrainement... Bien que peu plébiscités par les élèves, cet enseignement, tel qu'il nous a été présenté, nous a paru un réel prolongement de la séance d'EPS. Spécialiste du corps, l'enseignant peut y aborder des notions liées à la pratique physique faisant écho à ce qu'il propose au gymnase (lors des étirements, lors de l’échauffement). C'est également un moyen pour les adolescents de mieux connaître leur corps, source, chez eux, de nombreuses préoccupations.
La mixité
Dès la 4e classe (11 ans environ), l’EP finlandaise sépare systématiquement les élèves et ce sont les enseignantes qui enseignent aux filles et les enseignants aux garçons. Cette situation semble convenir en particulier aux filles qui affirment « c’est plus facile de se mettre en mouvement, de bouger », « j’ai moins honte ». Il nous semble, par rapport à des adolescentes de nos classes françaises, qu’elles s’investissent facilement et participent sans retenue. Leur motivation et leur niveau de pratique nous paraissent plus élevés, sans pouvoir affirmer que c’est grâce à ce choix d’organisation démixé.
L’observation de séances d’EPS
Dans la plupart des cas, nous avons constaté une bonne écoute des élèves. Ils (et surtout elles) sont motivé(e)s par le simple fait de pratiquer et cette motivation ne diminue pas au fil de la séance. Une probable explication réside dans l’image positive que revêt la pratique sportive (et par conséquent l’EP) au sein de la population finlandaise.
La constitution des groupes ne pose pas de problèmes (même lorsque l’enseignant les impose). Les échauffements sont relativement libres, le support musical est fréquemment utilisé, ils terminent par des étirements actifs. Tout comme lors de l’échauffement, l’enseignant participe aux étirements, ce qui facilite la mise en action des élèves et semble être un important facteur de motivation pour eux.
Les enseignants laissent une grande autonomie dans la pratique aux élèves : l’auto-arbitrage est par exemple systématique. Les rétroactions ne se font jamais pendant l’action, l’enseignant n’intervenant que lors des pauses.
Enfin, pour ce qui est des évaluations, nous avons eu du mal de saisir leur contenu exact. Elle tient compte de la participation et du comportement. Lors des tests physiques évoqués, l'enseignant utilise un barème national permettant de situer l'élève. Nous avons compris que ces éléments n'avaient qu'une valeur informative et constituaient un moyen de suivi de chaque élève.
Un exemple de séance
Mardi 13 avril, 10h, classe de 9e (9 garçons de 15 ans, 3 absents, 1 en situation de handicap ; 3 élèves en jean et sans baskets pratiquent après une remarque de l’enseignant qui ne semble pas trop les inquiéter).
Échauffement ludique (20 minutes) : jeu de balle interpénétré dont le but est d’envoyer la balle vers un panier de basket avec la tête avec des variantes (obligation d’une passe haute).
Test de pentabond (20 minutes) sans élan (premier bond à deux pieds) : après 4 à 5 essais, application d’un barème national (type table Letessier) exprimé en pourcentage (par exemple, si tu sautes 11,2 m, tu as 80%, tu fais donc partie des 20% les meilleurs).
Volley-ball (30 minutes) : échauffement par 2 en largeur du terrain de volley-ball (passe ou manchette, puis l’enseignant à la passe, les élèves s’exercent à l’attaque), puis jeu libre en 6 contre 6 lors duquel, l’enseignant donne beaucoup de feedback, principalement pour les amener à jouer en 3 touches de balle.
Une séance d’EPS « à la française »
Après avoir observé plusieurs séances, nous avons mis en œuvre une séance d’EPS telle qu’elle se déroulerait en France (football, classes de garçons âgés de 14 ans environ) :
-échauffement général puis spécifique (à travers un Toro),
-situation de slalom, balle au pied ponctuée d’un tir (sans puis avec défenseur),
-situation avec 2 équipes de 6 élèves devant bloquer le ballons dans un des quatre coins d’un terrain réduit,
-match sur demi-terrain.
Les élèves sont d’abord un peu déroutés par ces exercices inhabituels. Ensuite, ils sont surpris par notre présence et nos interventions nombreuses durant les situations : ils n’ont pas l’habitude d’avoir des rétroactions personnalisées pendant l’action.
Notre bref séjour nous a permis de confronter nos représentations et nos pratiques. Nous avons en particulier identifié quelques aspects de différenciation. Si l’EP finlandaise bénéficie d’une réputation d’ « EP sanitaire », il ne nous semble pas, hormis l’obligation faite aux enseignants d’assurer des cours théoriques que sa place soit fondamentalement différente. Le contenu des cours semble résolument tourné vers une expérience motrice ludique. La relation enseignant-enseigné s’appuie sur une confiance réciproque forte avec plus de liberté pour l’élève (dans ses choix scolaires, son mode de pratique) mais également pour l’enseignant (problèmes de discipline quasi inexistants). Enfin, le maintien d’une mixité peut limiter certains apprentissages, voire restreindre l’approche de certaines APSA.
Julien Tixier, Yanis Zerbato